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ANDREW DADSON: L’AILLEURS ET SES FRONTIÈRES…

28/04/2021

A bientôt 32 ans, Andrew Dadson est une révélation. Depuis son Canada natal qui l’a déjà reconnu et Vancouver où il a élu résidence, l’artiste a entrepris la conquête du monde… Une nouvelle fois remarqué en 2011, à la Fiac ou à Art Basel, cet explorateur des frontières se joue de toutes les limites et “travaille“ les bordures avec une rigoureuse virtuosité. Dans l’entretien qu’il a accordé à Marie-Michèle Cliche et Julie Morissette (responsables Marketing et communication de Pébéo Canada) , il s’exprime en véritable “psychanalyste” des formes et des couleurs, révélant une âme de traqueur, soucieux du détail, méticuleux dans sa manière de contempler les jeux subtils de l’espace, des beaux arts et de la peinture pour mieux les débusquer… Une leçon vers l’ailleurs et ses frontières.

PÉBÉO : UNE PARTIE DE VOTRE ŒUVRE EST CONSACRÉE À L’EXPLORATION DES FRONTIÈRES DANS TOUTES SES FORMES AVEC SOUVENT UN “TRAVAIL” IMPORTANT SUR LES BORDS (DU TABLEAU, DU CADRE, DU TERRAIN…). A QUOI CORRESPOND CETTE VOLONTÉ?

Andrew Dadson : Tout a commencé avec mon travail sur les pelouses et les buissons. J’ai bien aimé me “frotter” aux frontières publiques ou privées des propriétés et devoir gérer les remarques des uns ou des autres me rappelant que ce terrain était le leur ou celui d’un ami… Il existe souvent au Canada des terrains de la sorte en face de nos maisons (un luxe totalement inaccessible pour la majorité des habitants de notre planète !). Ils ne sont pas publics mais ne sont plus vraiment privés. Ils sont telle une frontière qui nous sépare des autres maisons. Il faut alors “négocier” avec les emplacements et le formes disponibles. En fait, j’ai tenté de mettre en valeur ces espaces publics ou privés et de faire en sorte qu’on les remarque, qu’on leur “porte attention” en les peignant.
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PÉBÉO : QUELLES MÉTHODES UTILISEZ-VOUS POUR RÉALISER CES TABLEAUX “VIVANTS" ? QUEL RÔLE JOUE LE SUPPORT VÉGÉTAL DANS CES CRÉATIONS?

Andrew Dadson: Dans un premier temps, je prends une peinture acrylique non-toxique, utilisable sur gazon. Ensuite, je délimite une section qui m’intéresse puis je peins à la main avec un rouleau ou des pinceaux; parfois je me sers même de vaporisateurs. C’est assez long. Puis je prends une photo. C’est la seule façon de faire survivre ces œuvres qui soit ne bénéficiaient pas d’autorisation officielle, soit sont simplement balayées par la pluie ou détruites par la croissance – très rapide - des plantes. Je les peins exactement de la même manière que je le ferais sur une toile. Elles ne durent pas mais la photographie, elle, demeure. Cela crée une nouvelle relation entre la peinture et la photographie : la photographie est au final l’œuvre que j’exposerai puisque je traite la photographie comme une peinture! Quand on regarde le tableau, on se demande qu’est-ce qui a bien pu arriver dans cet endroit : incendie, projection d’huile ?… Personne ne sait réellement. Il en ressort une forme de tension, comme si ne pouvions jamais peindre complètement la surface entière : il y aura toujours une petite fleur qui montrera “le bout de son nez” ou un débris qui viendra souiller l’espace. Et ces derniers apparaitront dans la photographie, ils lui donneront ses couleurs…
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PÉBÉO : POUR CERTAINS TABLEAUX, VOUS AVEZ FAIT LE CHOIX DE LA MONOCHROMIE. QUE VOUS PERMET-ELLE D’EXPRIMER?

Andrew Dadson : J’aime utiliser la monochromie parce qu’elle me permet de recouvrir les surfaces et d’amener l’attention et le regard aux bordures (puisque, la plupart du temps, je multiplie les couches de peinture). Sur la toile, les multiples couches apparaitront aux bordures et deviendront partie intégrante de l’œuvre. Ensuite, lorsque elle est exposée, elle est souvent installée contre le mur : il reste donc un espace entre la toile et le mur. En ajoutant plusieurs couches de couleurs, j’arrive en quelque sorte à combler ce vide. Parfois en séchant, l’œuvre se fixe alors dans une nouvelle position. Ces multiples couches deviennent donc le support de la toile. Même si elles sont ensuite couvertes par une couche monochrome, on peut toujours les apercevoir sur les rebords ou ici et là, à travers le tableau.Dans le cas des travaux photographiques, puisqu’ il m’est matériellement impossible de recouvrir complètement la surface, nous aurons là aussi toujours un petit bout de la bordure, ou de la surface peinte du dessous, qui apparaitra au travers. En effet, même si je recouvre le tout d’une seule couleur, le gazon poussera le lendemain et apparaitra au travers. C’est comme une place de stationnement laissée à l’abandon : un jour, l’herbe repoussera ou plein de débris viendront perturber l’espace. L’usage de la monochromie met donc en valeur les bords ou les morceaux qui apparaissent au travers.
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PÉBÉO : POURQUOI AVOIR UTILISÉ DANS UNE ŒUVRE MONOCHROME (VOTER’S INK - 2008) L’ENCRE SPÉCIFIQUEMENT UTILISÉE EN 2005 POUR IMPRIMER LES PREMIERS BULLETINS DE VOTE IRAKIENS?

Andrew Dadson : Cette encre indélébile, destinée à marquer les doigts des gens pour qu’ils ne puissent pas voter plus d’une fois, devient mauve foncée, une fois exposée aux rayons UV de la lumière. J’ai trouvé intéressante l’idée de réaliser une peinture à partir de cette encre car j’aime la relation entre la lumière UV et la photographie mais aussi (comme pour les œuvres sur végétaux) la possibilité de mixer les techniques de la peinture à celle de la photographie. Je me suis en effet servi de cette encre à la manière d’un photographe, en l’appliquant sur la toile dans une chambre noire pour ensuite l’exposer à la lumière et tenter de contrôler les différentes teintes et couleurs que j’obtenais de cette encre. Le tout débutait avec une couleur mauve pâle pour devenir de plus en plus foncée jusqu’à presque noire, une fois exposée. J’ai aussi tenté de ralentir le processus en les conservant dans le noir ou même dans un sac poubelle. Si je désirais que le changement de couleur soit plus grand je les exposais tout simplement plus longtemps à la lumière. C’était une sorte de jeu créatif mais qui reposait sur une encre “sérieuse”, aux connotations politiques fortes. Au final et parce que la transformation était difficile à contrôler, j’ai dû utilisé plusieurs techniques dont celle du tie-dye afin d’obtenir différents motifs.
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PÉBÉO : EN 2008, VOUS PUBLIEZ “VISIBLE HEAVENS 1850-2008”, UN LIVRE - ÉGALEMENT MONOCHROME - CONÇU À PARTIR D'UNE CARTE DES ÉTOILES DATANT DE 1850 ET PHOTOCOPIÉE PLUSIEURS FOIS? QUEL ÉTAIT LE BUT RECHERCHÉ?

Andrew Dadson : J’ai photocopié et re-photocopié le document 158 fois. Une photocopie pour chacune des années qui ont passé depuis la première carte en 1850. Au terme de ce “voyage” dans le temps, la carte est devenue totalement différente. Au delà de montrer qu’on voit de moins en moins les étoiles avec les années qui passent, j’ai été séduit par une idée plus métaphysique : comme si cette métamorphose montrait aussi, par analogie, que les Dieux du Ciel s’étaient eux-mêmes progressivement retirés de notre champ de “vision”.
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PÉBÉO : PLUS RÉCEMMENT, VOUS ÊTES REVENU À LA PEINTURE À L’HUILE SUR TOILE ET AUX COULEURS MAIS TOUJOURS AVEC CETTE VOLONTÉ DE “GARDER UNE PLACE“ À LA MONOCHROMIE. COMMENT S’ORGANISE CHEZ VOUS CETTE “MISE EN TENSION” ENTRE POLYCHROMIE ET MONOCHROMIE? COMMENT CHOISISSEZ-VOUS VOS COULEURS?

Andrew Dadson : Quand je commence en studio une toile, j’utilise toutes les couleurs. Puis, tel que je l’expliquais plus haut, je comble les bords et enfin l’espace avec le mur. Je répète ce même processus plusieurs fois. Quand une couche est sèche, j’en ajoute une autre. Je poursuis ainsi jusqu’à remplir totalement la toile. La plupart du temps, je la termine avec une dernière couche, blanche ou noire. J’ai besoin que ce travail délimite un carré - une sorte de boite d’un point de vue architectural - mais qui donne à voir les couleurs sur les côtés. Cela apporte une attention particulière à la partie peinte qu’elle soit blanche ou noire. Quand elle est blanche, elle semble non peinte comme si elle était uniquement enduite de gesso alors qu’en fait elle est remplie de couleurs en dessous. J’aime cette idée que la toile est dans le studio en attente d’être peinte alors qu’en réalité, elle est déjà habillée de multiples couches !

PÉBÉO : UTILISEZ-VOUS PLUTÔT LE NOIR OU LE BLANC COMME COUCHE FINALE ?

Andrew Dadson : C’est difficile à dire. Les toutes premières étaient blanches mais aujourd’hui j’utilise davantage le noir. Ce n’est pas fixé dans mon esprit. Les deux couleurs sont intéressantes. Elles ont des significations différentes que j’aime explorer. Le noir, notamment dans mon travail photographique, permet d’exprimer des événements graves ou des émotions… Mais il ne faut pas oublier que sous ces deux couches monochromiques, toutes les autres couleurs sont présentes. Elle sont “simplement” recouvertes.
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PÉBÉO : QUELS TYPES DE TECHNIQUES ET DE MÉTHODES UTILISEZ-VOUS POUR DONNER VOLUME ET RELIEF À VOS ŒUVRES TELLES QUE CELLES VUES À LA FIAC DE PARIS OU À ART BASEL?

Andrew Dadson : Je me sers principalement de la peinture à l’huile mais aussi de tout ce qui est disponible. J’aime les différentes textures que chacune des peintures laissent derrières elles. J’en ajoute constamment avec un pinceau ou directement à partir du tube ou encore de toutes les façons possible ! Je travaille d’abord par périodes puis pratiquement à temps plein. Le processus complet s’étale sur une longue période pendant laquelle l’œuvre reste dans le studio. Pour moi, la peinture ressemble à un mécanisme organique vivant : la peinture vit par elle-même. Elle se fige, coule ou parfois tombe au sol. Durant ce processus quasi organique, je continue à intervenir, à ajouter davantage de peinture ; puis à un certain moment, je sens que c’est terminé.

PÉBÉO : COMBIEN DE TEMPS RESTEZ-VOUS NORMALEMENT SUR UNE PIÈCE?

Andrew Dadson : Habituellement, plusieurs mois, car la peinture à l’huile ne sèche pas ! En fait, cela dépend. Certaines peintures sont là dans mon studio depuis plus d’un an. Je les observe et j’attends le bon moment car la peinture continue de changer avec le temps ; ce qui est le plus intéressant !

PÉBÉO : EST-CE POUR CETTE RAISON QUE VOUS PRÉFÉREZ LA PEINTURE À L’HUILE À L’ACRYLIQUE?

Andrew Dadson : J’utilise la peinture à l’huile en raison de la manière dont elle se mélange. Et comme j’en utilise une grande quantité, les couleurs continuent à se mélanger entre elles. Par la suite, je continue à déplacer la peinture sur la toile. Je trouve que la peinture à l’huile souligne mieux le processus de création. J’utilise parfois de la peinture acrylique mais c’est vraiment très différent… Puisque la peinture sèche en un instant, je n’ai pas la possibilité de véritablement “regarder” ma peinture.

LES EXPOSITIONS À VENIR...

Jusqu’au mois de juillet 2012, une exposition présente certaines des œuvres d'Andrew Dadson à Paris au Rosenblum Collection. Cette dernière est intitulée : “WYSIWYG: What You(ngs) See Is What You Get”. Il prépare aussi une exposition prévue en avril 2012 à Seattle aux États-Unis et il travaille actuellement à un projet pour le Art Basel (juin 2012).

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